Les trois tonnes d'ivoire, acheminées au petit matin dans un camion banalisé, ont été concassées en public sur le Champ-de-Mars, à proximité de la tour Eiffel, à Paris en présence du ministre de l'écologie, Philippe Martin et de l'envoyé spécial du chef de l'Etat pour la protection de la planète , Nicolas Hulot. « Nous disons par ce geste que l'ivoire n'a plus de valeur », a déclaré ce dernier.
Les 698 défenses brutes ou travaillées et les 15 357 pièces d'ivoire (statuettes, bijoux…) inventoriées par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont été réduites en granulats qui seront dispersés prochainement dans la fabrication de matériaux de construction. Elles proviennent des saisies réalisées par les douanes depuis l'instauration du moratoire sur le commerce international de l'ivoire en 1989 par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites).
80 % de la marchandise a été interceptée à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle dans des cargaisons de fret et lors de contrôles de passagers venant d'Afrique et souvent en transit vers l'Asie. Le Cameroun, le Gabon, le Congo et le Nigeria apparaissent parmi les principaux pays de provenance. Parmi les opérations les plus récentes, les douanes citent l'interception en décembre d'un lot de quatre statuettes, d'un poids total de 58 kg, à destination du Vietnam.
Philippe Martin a confirmé que toute nouvelle saisie d'ivoire illégal serait à l'avenir systématiquement détruite. Seuls des échantillons à vocation scientifique ou éducative pourront être conservés et confiés, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, à des musées ou à des instituts de recherche. De même, certaines confiscations seront sauvegardées si elles peuvent permettre de faire progresser les enquêtes menées pour identifier les réseaux de trafiquants.
La France est le premier pays européen à détruire son stock d'ivoire. Mais d'autres pays avaient eu recours à cet acte spectaculaire. Le Kenya avait donné l'exemple, quelques mois avant l'instauration du moratoire de 1989, en brûlant 12 tonnes d'ivoire. Plus récemment, en novembre 2013, les Etats-Unis ont broyé 6 tonnes. Puis en décembre, la Chine, qui possède le plus important marché légal d'ivoire et constitue la principale destination pour les trafiquants, a détruit à son tour plus de 6 tonnes entrées clandestinement. Les autorités de Hongkong ont également annoncé qu'elles feraient disparaître 28 tonnes d'ivoire au cours des deux prochaines années.
Les chiffres les plus récents indiquent que 2013 sera une nouvelle année record dans le commerce illégal de l'ivoire : plus de 41 tonnes ont été saisies à travers le monde. En juin, huit pays ont été désignés par la Cites comme des rouages majeurs de ce trafic : le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam et la Chine.
(Le Monde, 06 Février 2014)